La deuxième édition du Master international film festival s’est ouverte samedi dernier et se poursuivra jusqu’au 13 mai à Hammamet. A cette occasion, nous avons eu cet entretien avec son président fondateur, le réalisateur Mokhtar Ladjimi.
C’est la deuxième édition du MIFF, peut-on dire que le festival est déjà «Installé» ?
Avec cette deuxième édition, le festival existe sur le plan national et international grâce au succès de l’édition fondatrice de l’année dernière, une édition qui n’était pas facile, mais grâce au soutien du groupe la Paix ainsi que celui des ministères des Affaires culturelles et celui du Tourisme et de l’Artisanat, nous avons pu effectuer les premiers pas. Aujourd’hui, le festival est encore un bébé qu’il faut protéger. Notre choix est de proposer des films d’auteur proches du public sans tomber dans un niveau inférieur certain. C’est pour cela que nous tenons à ce nouveau concept du best of avec une couleur particulière qui force le trait sur le dialogue des cultures et la diversité culturelle.
Cette richesse culturelle se traduit sur le plan financier également ?
Le festival m’a enrichi culturellement, mais sur le plan financier, ce n’est pas le cas. J’ai failli reporter l’édition tellement le financement du festival était difficile et la lenteur avec laquelle le ministère du Tourisme honore ses engagements. La bureaucratie est étouffante dans ce sens. Sur un autre plan, le Miff a été très médiatisé à l’étranger et cela m’a valu quelques inimitiés qui m’ont sincèrement fatigué à un certain moment.
C’est un festival qui a choisi la diagonale entre le touristique et le culturel. Pensez-vous pouvoir tenir le cap avec ces choix ?
Pourquoi pas ? Je travaille pour que le festival garde le cap. Le Miff est un regard croisé du Sud vers le Nord et du Nord vers le Sud. C’est un festival qui a sa propre personnalité.
Vous avez baissé le budget de ce festival et pourtant, le tapis rouge demande des stars qui coûtent cher…
En effet, cela demande des investissements supplémentaires si on veut attirer les grandes stars parce que les inviter revient aussi à mettre le prix. Mais la colonne vertébrale de ce festival demeure la qualité supérieure de ses films. C’est son cachet original en quelque sorte. Je ne nie pas les efforts et le soutien très important du ministère des Affaires culturelles et du ministère du Tourisme et de l’Artisanat. Mais sur le plan financier, le festival doit assurer des financements supplémentaires pour atteindre l’aboutissement rêvé et se fixer sur ses appuis.
Pourquoi le choix d’une affiche avec Boussaâdya ?
À mon sens, le choix de l’affiche reflète les choix du Miff, dont le dialogue des cultures qui est un point très important dans notre démarche. Le personnage de Boussaâdya symbolise aussi ce dialogue. Il symbolise la diversité culturelle qui a caractérisé la Tunisie depuis des siècles comme il symbolise la magie d’un spectacle qui raconte une histoire (Boussaâdya est en fait à la recherche de sa fille Saâdy) au temps où les écrans de cinéma n’existaient pas. Chaque année, l’affiche du Miff s’intéressera à une thématique. La thématique de cette année est le «melting-pot». Dans ce contexte, la Tunisie a, toujours, été une terre de tolérance. On ne le répétera jamais assez.
Côté panels, vous en avez programmé trois, mais si le sujet de la numérisation des archives est en train d’être traité depuis un certain temps, des thèmes comme la musique de films, et les tournages étrangers en Tunisie «shooting in Tunisia : financer le cinéma tunisien autrement» sont nouveaux et ils n’ont pas été discutés auparavant dans un festival…
Je suis réalisateur et je sais que la musique est un élément très important dans la narration d’un film pour ne pas dire que la musique d’un film est à elle seule une narration sonore qui nous emporte. Je dirai que si le cinéma était un magicien la musique serait sa baguette. J’ai voulu participer à enrichir le savoir des cinéphiles tunisiens avec ce panel qui invite un grand professionnel de la musique de films. Le sujet des tournages étrangers en Tunisie (shooting in Tunisia) exprime toute notre volonté pour que la Tunisie retrouve sa place en tant que terre de tournage. C’est une rencontre entre des professionnels, de certains ministères intervenants et le Cnci pour arriver à des recommandations concrètes. En fait, les revenus des films étrangers tournés en Tunisie peuvent financer notre cinéma. Je rappelle qu’un film tourné en Tunisie rapporte autant sinon plus qu’un bateau de croisière qui débarque à La Goulette. C’est une activité économique à part entière et qui contribue à la formation de nos techniciens.Des producteurs de l’Amérique Latine viendront également parler de leur expérience dans ce sens.
Lors de ce MIFF 2023, vous avez introduit des nouveautés…
Oui, en effet, il y a des manifestations comme le «Mobile Film», relatif aux réalisations par le biais du mobile, pour des séquences d’une minute pas plus, et qu’à l’occasion du centenaire du cinéma tunisien, différentes expressions seront au programme, dont des Panels qui toucheront aux musiques de films, à la numérisation ou au «Shooting en Tunisie», en rapport avec les conditions et les aléas du tournage dans notre pays.
L’attraction pour cette édition sera le «Ciné Beach», des projections sur la plage de Yasmine-Hammamet, en face de la Médina. Parmi les nouveaux prix, nous avons entre autres consacré un prix pour les droits humains, à savoir «la médaille Ghandi pour la paix et le dialogue des cultures», cela renforce le profil du festival